Jeunesse Dorée
Je suis Dame Aglaranna Aeslyn Aenor de la noble maison d’Aenor, archimage disciple de la Tour Blanche de Hoeth. Je suis la fille aînée du Seigneur Aleth Meliniar Aenor, dirigeant de l’illustre maison d’Aenor. Depuis mon âge le plus tendre, j’ai grandi dans la cité de Lothern. Très jeune, je fus initiée aux arts de cour et à l’étiquette, comme il sied à une personne d’un lignage aussi prestigieux que le mien. Mon enfance fût idyllique par bien des aspects. Les études me passionnaient, je passais mon temps plongé dans des ouvrages traitant de sujets variés. Quelques mois après que j’ai atteint l’age adulte, mon père fit venir le maître tailleur le plus réputé de la capitale afin qu’il me confectionne une robe de présentation.
Par un matin radieux, nous nous rendîmes en grande pompe à la cour du Roi Phœnix. J’étais vêtue de cette sublime robe confectionnée quelques semaines plus tôt. Il s’agissait, aux dires de ma mère et de ses dames d’atours, d’un véritable chef d’œuvre. En chemin, ma mère prit soin de me rappeler une dernière fois comment allait se dérouler la présentation.
Lorsque nous franchîmes les grilles du palais, je ne pus m’empêcher de m’agiter pour regarder en tout sens à la consternation de mon père et de mon frère aîné. Ma mère, quant à elle sourit, m’expliquant qu’après ce jour, je pourrais l’accompagner à la cour. L’attelage s’immobilisa au pied du grand escalier et un page nous ouvrit la porte et nous salua à notre descente. Nombre d’autres attelages se pressaient dans la cour et leurs occupants, tous de haut rang gravissaient l’escalier aérien menant au palais. Nous fîmes de même. Plusieurs courtisans saluèrent mes parents, ne manquants pas au passage de me jauger du regard. Pour la première fois, je mis réellement en pratique ce que ma mère m’avait enseigné. Souriant aux seigneurs et aux dames que nous croisions, faisant une révérence à ceux qui adressaient la parole à mes parents, nous nous dirigeâmes tous vers la salle du trône.
Nous dûmes attendre, dans un salon voisin, que la cour soit rassemblée. Il y avait réuni dans ce salon quatre autres familles de noble lignage. Un seul jeune noble dans la pièce avait la préséance sur moi, car son rang était supérieur. Nos pères nous présentèrent en attendant que la cérémonie ne débute. Cela ne pris que quelques minutes, avant que le héraut n’appelle le Prince Khelarian Linar Ogmios de la noble maison Ogmios, Souverain du royaume intérieur d’Ellyrion et son premier né, Aerilion Khelarian Ogmios. J’en profitais pour observer la salle du trône et ses occupants à la dérobée, puis vint cet instant qui restera gravé à jamais dans ma mémoire. Le héraut nous annonça. Tous les regards se tournèrent vers notre famille, tandis que nous avancions en direction du dais royal. J’étais fasciné et ne parvenais pas à détacher mon regard de l’homme trônant à l’autre extrémité de la pièce.
Une sensation étrange mit fin à cette subjugation. Un frisson parcouru mon dos puis un picotement persistant. D’instinct mon esprit se replia sur lui-même comme pour se protéger. Mon regard se porta derechef sur l’un des Asur se tenant au pied du dais. Il me regarda avec une lueur d’amusement puis sourit, comme satisfait de lui-même. Je repris mes esprits, juste à temps, pour faire une révérence impeccable devant le Roi Phœnix. Mon père me présenta à sa majesté de façon solennelle, puis après un bref échange de civilité, nous nous inclinâmes de nouveau puis rejoignirent les membres de la cour pour observer les autres récipiendaires. Pour ma part, j’observais surtout ce mage, qui pour se trouver au pied du dais royal, devait être quelqu’un d’important ou un proche de la famille royale. Au bout de plusieurs minutes, je parvins à la conclusion qu’il ne pouvait s’agir que du Seigneur Téclis.
Alors que la présentation formelle prenait fin, la cour reprit ses droits et je pus observer les allées et venues, les discussions. Je ne parviens pas à me souvenir du nombre de révérence que je fis ce jour là, mais une chose est certaine, le soir venu j’eus les pires courbatures de ma vie. Par moment, je sentais de nouveau cette pression comme si l’on essayait de lire en moi et à chaque fois les yeux de ce mage étaient rivés sur moi.
Je me mis moi aussi en devoir de l’observer. La première fois nos regards se croisèrent au moment où il testait de nouveaux ma résistance. Je ne sais ce qui me pris ni la façon dont je m’y pris, mais je parvins à repousser cette intrusion et le vis vaciller. Seul son bâton d’archimage lui permit de rester debout. Je ressentis aussitôt une immense fatigue mais ses yeux étaient, de nouveau, rivés sur moi, mais cette fois ci ils étaient exempts de cette lueur d’amusement que j’y avais lu au moment de ma présentation. J’y voyais maintenant une foule d’interrogations. La seconde fois où j’eus le loisir de l’observer, il se trouvait au sommet du dais royal, en pleine discussion avec le Roi Phœnix, ce qui me confirma qu’il ne pouvait s’agir que du Seigneur Téclis. Ensuite, je le perdis de vue car ma mère me conduisit un peu plus loin du dais pour me présenter à des dames de sa connaissance. Nous devisâmes pendant un bon moment.
Subitement, un murmure parcouru la cour et plusieurs dames avec qui ma mère et moi devisions firent une révérence polie à une personne qui venait d’arriver dans mon dos. Avant même de me retourner, je savais qu’il s’agissait de lui. Je fis une révérence respectueuse à la suite de ma mère.
- « Bonjour, Dame Aeslynn. Permettriez vous que je m’entretienne avec votre fille ? », Demanda Téclis à ma mère.
- « Bonjour Seigneur Téclis. C’est un honneur que vous nous faites. » Répondit-elle
- « Aglaranna, je te présente le Seigneur Téclis, archimage et conseiller personnel de sa majesté, qui souhaite s’entretenir avec toi. » Me dit-elle en se tournant vers moi.
Je suivis le Seigneur Téclis vers un balcon donnant sur les jardins royaux. Les rares personnes s’y trouvant le quittèrent à la vue de Téclis.
- « Dame Aglaranna, je ne veux pas me montrer indiscret, ni vous paraître trop direct, mais j’aimerais que vous me disiez quel type d’enseignement magique vous avez suivi ? »
- « J’aimerais vous le dire, Seigneur Téclis, mais le fait est que je n’ai suivi aucun enseignement dans le domaine des arcanes magiques. »
Cela lui fit froncer les sourcils.
- « Connaissant votre père, le contraire eut été étonnant, mais cela est d’autant plus intéressant. Il est fort rare que même les nôtres possèdent des capacités naturelles aussi développées que celles dont vous avez fait preuves tout à l’heure. »
- « Ainsi, c’était une sorte de test, mon Seigneur, ou est-ce une de vos habitudes de forcer l’esprit des membres de la cour ? »
Téclis sourit.
- « Je reconnais bien là le caractère de votre père. Disons que c’est assez rare, mais aujourd’hui cela était justifié. »
C’est à ce moment là que mon père fit son apparition sur le seuil du balcon. Il s’avança vers nous et salua sèchement Téclis. Tous deux se jaugèrent du regard mais aucun n’était disposé à céder devant l’autre. Finalement, le Seigneur Téclis soupira et s’adressa à mon père.
- « Bonjour Aleth. Je devisais un peu avec ta fille, cela fait si longtemps que je l’ai vue. Je sais que nos opinions divergent souvent mais j’aimerais que tu autorise ta fille à rejoindre la Tour blanche pour y suivre l’apprentissage. »
- « Bonjour Téclis. Je crains que cela ne soit pas possible, le Prince Khelarian Linar Ogmios et moi avons convenu, de longue date, qu’Aglaranna épouserait son premier né. »
Je regardais mon père, atterré par cette nouvelle. J’avais rencontré le jeune homme à peine une heure plutôt et notre union semblait prévue de longue date. Même ma mère ne m’en avait pas soufflé mot. Je me sentais trahie, mais je maintins une attitude stoïque
- « J’ai d’ors et déjà l’accord du Roi Phœnix, Aleth. Tu sais tout comme moi que cela ne l’empêchera pas de se marier. Dans le pire des cas cela repoussera le mariage de quelques années, mais je t’assure, elle a un potentiel rare. Pour le bien commun, elle doit suivre l’apprentissage, même si c’est à cet age qu’on le termine normalement. » Informa t’il mon père.
Mon père sembla réfléchir un moment. Résigné, il me regarda tristement avant de reprendre la parole
- « Encore une fois, Téclis. Tu me mets devant le fait accompli… mais si Sa Majesté a donné son consentement, je ne puis m’y opposer. Quand désires-tu qu’elle rejoigne Hoeth ? »
- « Je porterai ces informations à la connaissance de Sa Majesté et je ne doute pas qu’il trouvera un consensus acceptable. Plutôt son apprentissage débutera, mieux cela sera, Aleth. Qu’elle soit à la Tour Blanche dans les jours précédant le solstice d’été ! »
Sur ce Téclis salua mon père puis se tourna vers moi et nous dîmes au revoir. Une fois Téclis parti, mon père me regarda sombrement.
- « Ma fille, j’aurais aimé que tu apprennes cette nouvelle autrement. Ses parents, ta mère et moi, avions pensé que si vous faisiez connaissance et que l’occasion vous était donnée de vous voir régulièrement, vous en viendriez à vous apprécier. Le temps aidant, l’idée aurait même put germer dans vos esprits, mais je sais qu’actuellement, tu dois nous maudire pour ne t’avoir rien dit … » Me dit tristement mon père.
- « Nullement, père. Je me suis préparé à cela voilà déjà plusieurs années. Mère ne cesse de me rapporter les discussions des courtisanes concernant les dernières unions parmi la noblesse, aussi j’ai compris que mon tour viendrait en son temps. Non, par contre une chose m’étonne… Le seigneur Téclis et toi, semblaient très bien vous connaître. D’après ces dires, il m’a déjà rencontrée mais je n’en ai aucun souvenir. Pourtant ce n’est pas quelqu’un que l’on oublie… »
- « Effectivement, nous nous connaissons de longue date et jusqu’à tes quatre ans, il nous rendait des visites régulières, mais nos obligations respectives envers Sa Majesté nous ont depuis régulièrement opposées. Tu n’es pas sans savoir que Téclis prône que nous devons soutenir les humains dans leur lutte contre le Chaos, mais chaque Asur qui est détourné de la défense d’Ulthuan dégarni nos rangs face aux Druchii. C’est cette divergence d’opinion qui a fait que nous avons tacitement décidé de ne plus nous voir que dans le cadre de nos offices respectifs. »
Je regardais mon père en souriant
- « Ne craint rien, père, je ne serais pas un nouveau sujet de discorde. Je suivrai cet apprentissage si tel est le souhait de Sa Majesté et du Seigneur Téclis, mais pour répondre au désir de mes parents, je prendrai pour époux celui que Mère et toi avaient choisi. »
Mon père se détendit et prit ma main pour me reconduire dans la grande salle afin de profiter de cette journée unique. Lorsque l’après midi toucha à sa fin, le Roi se retira et nombre de courtisant firent de même. Nous regagnâmes notre demeure en silence. Plusieurs fois, mes parents me reparlèrent de ce qui s’était passé cette journée. Les mois s’écoulèrent et le printemps toucha à sa fin.