Rapport de Malachias Bierearide à propos de la situation des fronts de l'ordre sur le vieux monde au 419eme jour de la lune d'émeraude. Bivouac de l'Aube éternelle. Vallée de Kadrin.
Mes chers frères d'armes, mes joyeux compagnons portes-serments, vénérables longues-barbes, douces épouses et sœurs d'acier, salut!
Moi Malachias Bieraride, fier représentant et scribe officiel du clan Bierearide -puisse leur malédiction se dissiper dans le flot des rancunes- témoigne en cette nuit humide et calme, si calme, de notre situation dans cette guerre épuisante.
Ma lampe à huile brûle avec enthousiasme de la graisse fraîchement extraite d'un sanglier titanesque. Ce sanglier était, il y a à peine douze heures, la monture du dernier chef orc en poste au rocher noir. Sa tête hideuse orne dorénavant la place du marché d'Altdorf ou les enfants d'hommes s'amusent à lui lancer des fruits amers et des quolibets d'une vulgarité qui ferait rougir un scaven.
Il est difficile de considérer, au premier abord, la situation actuelle d'un regard mauvais. Notre progression se poursuit sans relâche, déborde l'ennemi sous d'incessantes vagues de haches et de piques, d'épées et de hurlements. Le rocher noir n'est plus qu'une lune morte, calcinée par les flammes du napalm et des magies elfiques.
Mes fiers compagnons, ivres de leurs victoires si faciles, n'en finissent plus de faire la fortune des tavernes pour festoyer en l'honneur de tel ou tel piétinement sauvage, de tel ou tel crâne d'ennemi empalé sur nos cheminées, de tel ou tel village gobelin calciné par nos bombes au napalm.
Pourtant... je ne peux m'empêcher de ressentir un malaise que je tente vainement de camoufler sous une barbe réjouie, propre, tressée comme aux mariages.
Même au sommet des amoncellements de cadavres abattus par mes frères, même baigné du sang des orcs et des elfes noirs mêlés dans une mixture si opaque qu'on ne peut plus en distinguer la provenance, je tremble de rage et d'inquiétude, car il y a dans l'air comme une odeur de pestilence, un arrière gout de moisissure.
Oui mes frères, il y a quelque chose de pourri dans cette configuration finale.
Ce retournement violent n'est pas naturel. Nous qui pensions voir tantôt, il y a pas même un mois, nos belles montagnes de Kadrin recouvertes de barbes mortes, voilà que nous assiégeons la capitale des forces chaotiques, voilà que nous approchons du trône de nos ancêtres, des limites ultimes. Si brusquement, enfin. Sans croiser le quart des adversaires de jadis.
Notre livre de rancune pleure mes frères. Tant de noms ennemis y sont annotés d'une flèche dirigée vers le bas, signe que nous ignorons ce qu'ils sont devenus.
Combien sont accompagnés de la splendide rune de vengeance? Si peu... Je ne vous le montre pas, de crainte de vous faire perdre l'esprit.
Notre livre est vide, comme sont vides les plaines et les montagnes autrefois tonnantes du bruit des combats, des virils cris de meurtres, des vaillantes charges héroïques, des impossibles victoire. L'inachevé est un fléau que tout le monde sous-estime.
Oui nous sommes proches de la victoire. Oui les jeunes chantent et dansent, se croient déjà sauvés de toute corruption, copulent comme si ils n'avaient jamais souffert de la faim et de la perte, comment leur en vouloir?
Mais moi dont la barbe est plus longue, je regarde le spectacle de plus loin, j'ai le temps d'être attentif, et je vois ce vide, cette béance glaçante. Elle n'est pas le fruit de nos meurtres, mes frères, mais d'un phénomène plus noir, plus dangereux, plus insidieux, plus imparable.
L'ennemi qui fonce sur moi en hurlant et en brandissant sa masse, voilà un événement compréhensible. Je peux l'affronter sans remuer le sourcil d'un pouce. Mais ce néant est un adversaire si terrible que devant lui je tremble comme une vielle femme.
Ne voyez vous pas combien nos troupes s'empâtent de jours en jours devant cette puissance inertielle? J'observe chaque jour des elfes et des nains trinquer, s'embrasser dans les larmes de l'alcool. J'ai même vu des nains se laisser caresser la barbe par certaines de ces servantes d'Ulthuan. Nul ne semble à présent s'en offusquer. Est-ce ma sobriété forcée qui me rend si sensible aux changements, ou mon âge?
Ne voyez vous pas que sans une guerre véritable et violente, le chaos nous gagnera bien mieux par la pensée qu'il ne le fit par les armes? Suis-je le seul à ne plus dormir la nuit?
Craignez mes compagnons. Affutez vos haches mais aussi votre détermination, car ce que nous affronterons demain est plus terrible que le plus grand des orcs. Ce que nous affronterons, c'est l'ennui.
[HRP] J'avoue j'en avais un peu marre de voir que des rapports du chaos sur JoL alors j'ai tenté le coup pour combler mes insomnies, ok Khoranias est nettement meilleur mais bon..c'est en roleplayant qu'on devient roleplayon. Ou un truc comme ca.[HRP]